Décarbonation des bâtiments : Comment les maîtres d’ouvrages peuvent-ils devenir acteurs ?

Depuis la parution des derniers rapports du GIEC et les épisodes caniculaires qu’a traversée la France cet été, le dérèglement climatique est définitivement connu et visible de tous. Comment les promoteurs et autres maîtres d’ouvrage comme les bailleurs sociaux peuvent-ils, à leur échelle, participer à une meilleure préservation de notre environnement, notamment sur le point de la transition bas-carbone.

L’impact du logement sur l’environnement

Avec près de 224 millions de tonnes de déchets par an et environ 115 Mt CO2 émis en 2016, le secteur du BTP (bâtiment et travaux publH1 ics) est le plus grand émetteur de déchets en France. Au niveau national, il occupe la place de 2e au niveau des émissions de gaz à effet de serre après celui du transport.Entre les émissions liées à la production des matériaux de construction et celles issues des consommations (chauffage, eau chaude, climatisation, etc.), le bâtiment se doit de réduire massivement la consommation d’énergie et d’émissions de CO2.

Le verdissement des logements : innover par la contrainte

Les politiques ont intégré les enjeux climatiques en établissant des objectifs ambitieux pour transformer en le secteur du bâtiment d’ici les 30 prochaines années.

La RE2020, la notion d’énergie grise et d’Analyse du cycle de vie (ACV) se sont largement démocratisées. En effet, il était primordial de ne pas seulement compter l’énergie nécessaire à l’usage du bâtiment, mais aussi celle nécessaire à la fabrication, l’acheminement puis la déconstruction des matériaux. Entrée en vigueur le 1er janvier 2022, la RE2020 permet d’avoir une vision globale du carbone émis ou absorbé tout au long du cycle de vie du bâtiment.

En termes d’artificialisation, la loi climat a imposé le ZAN d’ici 2050. C’est-à-dire le zéro artificialisation nette à l’échelle des territoires.Autre objectif, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) indique aussi vouloir rénover l’entièreté du parc immobilier (tout confondu) au niveau BBC ce qui signifie avec une étiquette énergétique proche de A ou B. Les maîtres d’ouvrages et gestionnaires de bâtiments sont donc mis au cœur de la transition immobilière bas-carbone.

Si nous sommes tous d’accord sur le fait, qu’il faut agir dans le BTP. Des voix s’élèvent, relayées par des organisations comme la FPI pour accompagner cette transition, sans transgresser la raison d’être du maîtres d’ouvrage : offrir un logement à tous. Le secteur s’inquiète que ces nouvelles normes restreignent la production de logements et restreignent davantage l’accès au logement pour les classes moyennes.

Une demande forte de logements : un besoin indéniable de construire

Le COVID19 a accentué l’évolution de nos mentalités sur notre mode de vie et d’habitat. Aujourd’hui, on compte encore 12 millions de personnes en situation de mal-logement. Face à ces problématiques, les maîtres d’ouvrage font face à une demande de logements toujours accrue mais qui nécessite de revoir son mode de construction.

Malgré une production massive, avec une moyenne de 300 000 logements qui sont bâtis en un an, 100 000 autres deviennent vacants.Face à l’urgence climatique et les enjeux sociaux, quels sont les moyens du maître d’ouvrage pour bâtir l’habitat de demain ?

Comment le maître d’ouvrage peut-il construire durablement ?

Réduire l’impact carbone des chantiers, la règle des 3R

Il est important de respecter leur ordre par priorité.

  1. Réduire 

Faire mieux avec moins. Cela peut passer par l’écoconception ou par la performance énergétique d’un bâtiment, tant d’un point de vue thermique, acoustique, carbone. C’est tout l’enjeu de la RE 2020. Avec la nécéssité de rénover l’ancien.

  1. Réemployer

Le secteur du réemploi se développe rapidement depuis ces dernières années. Toute la filière porte désormais son oeil vers le réemploi de matériaux. Le réemploi peut se faire au sein d’un même projet (in-situ) ou pour d’autres projets (ex-situ), et d’autres maîtres d’ouvrage. Un diagnostic de ressources (quantitative et qualitative) est la première étape à envisager pour déterminer le potentiel de réemploi sur un projet.

Exemple d’acteurs du réemploi : Booster du réemploi, Tri’n’Collect , Cycle Up, Backacia, Bobi reemploi, Mineka, EDF Reutiliz, Bati’Recup, Réavie, Alternatinnov.

  1. Recycler

Si le matériau ne peut pas être réutilisé en état, il peut être transformé. Attention, ce processus peut demander énormément d’énergie comme le recyclage de la laine de verre. Les produits issues du gros œuvre sont plus faciles à traiter. Des minéraux comme le béton peuvent être recyclés à l’infini.

Utiliser des matériaux bio-sourcés ou géo-sourcés

Avec 40% du bilan carbone d’une construction, le gros œuvre représente le post le plus important en termes d’émissions de GES lors d’une construction. Utiliser du bois, du mixte béton bois, du béton de chanvre, de la terre crue, du chanvre ou de la paille, permet d’abaisser considérablement le bilan carbone d’une construction.

Rénover avant de construire

Si utiliser des matériaux bio-sourcé réduit les émissions carbone, celui de la rénovation l’est encore plus. Non seulement le gros-oeuvre est déjà construit, mais en plus, rénover et densifier des bâtiments existants permet de limiter l’étalement urbain et donc l’artificialisation des sols.
 Objectif BBC d’ici 2050 donc tous les bâtiments au niveau A ou B.

Favoriser les énergies renouvelables

Pour être plus vertueux, le MOA peut réfléchir dès la conception, à utiliser des ressources locales et renouvelables : panneaux photovoltaïques, panneaux solaires, géothermie, PAC, Chauffage urbain par exemple.

Adapter la conception des bâtiments au changement climatique

Les changements climatiques auxquels nous faisons de plus en plus face nécessitent de penser en amont du projet immobilier à des systèmes pour lutter contre la création d’îlots de chaleur. Que ce soit pour le neuf ou pour l’ancien, le confort d’été doit devenir la priorité pour éviter l’explosion des ventes et de la fabrication de climatiseurs. Quelques gestes simples pour améliorer le confort d’été des bâtiments :
 Poser des brises-soleil orientables (BSO), assurer la possibilité de sur-ventiler le bâtiment la nuit (même les parties communes), peindre les toits en blanc.

Construire la ville sur la ville

Pour limiter l’artificialisation et limiter les déplacements des personnes, il faut donc densifier tout en préservant une bonne qualité de vie pour les habitants.  Hormis la rénovation de surfaces existantes, le promoteur peut aussi diviser des logements existants devenus trop grands, surélever des bâtiments ou construire des extensions pour exploiter la totalité des prospects, construire en dent creuse, ou encore changer la destination d’anciens bureaux par exemple.

MOA : comment prendre le virage de la décarbonation des bâtiments ?

Il est incontestable que tous les maîtres d’ouvrage dans leur rôle de bâtisseur vont devoir s’adapter aux règles d’une société post-carbone.

Des opérations de densification (plus petites et plus complexes)

Le rôle des promoteurs évolue. Là où la norme était de réaliser des grosses opérations, il va falloir aller dans le détail réaliser des plus petites opérations là où le peu de foncier est encore disponible. Il va falloir adapter la manière de chercher le foncier et concevoir nos logements.

Les leviers du promoteur dans sa manière de faire la ville :

  • Cibler des projets de surélévation,
  • De découpage
  • Construire en dents creuses…
  • Exploiter la totalité des prospects
  • Transformer des bureaux en logement

Pour en savoir plus vous pouvez consulter le site décarboner le logement qui répertorie les ressources et regroupe une communauté d’acteurs de la construction dédiée à l’immobilier bas-carbone.

Cet article a été co-écrit avec Alexandra THERME (créatrice du réseau ADEL).

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